Introduction

Sous la surface calme du lac Léman, un monde complexe et vivant s’agite. Les herbiers de potamots, souvent perçus comme de simples plantes envahissantes, sont en réalité de véritables maternités naturelles, refuges et aires d’alimentation pour une grande variété d’espèces aquatiques.

En tant que plongeur, on a la chance d’y pénétrer et de voir naître, croître et interagir des formes de vie insoupçonnées. Cet article t’invite à découvrir le rôle méconnu mais fondamental des potamots dans la reproduction et la survie de la faune aquatique du Léman.

Ruban d’Ĺ“ufs de perche accrochĂ© Ă  un potamot


Les potamots, piliers de l’écosystème littoral

Les potamots forment des herbiers submergés qui offrent aux organismes aquatiques une structure tridimensionnelle unique. Ce milieu complexe, composé de tiges, de feuilles flottantes ou immergées, de microalgues et de débris organiques, devient un écosystème à part entière.

Ce n’est pas un simple décor végétal : c’est une zone vivante, où se croisent des dizaines d’espèces, des plus petites (larves, micro-crustacés) aux plus emblématiques (brochets, perches, tanches…).


Un abri indispensable pour les juvéniles

Les jeunes poissons sont particulièrement vulnérables aux prédateurs (perches adultes, brochets, oiseaux). Les herbiers de potamots leur fournissent :

  • Une protection visuelle : les feuilles cassent les lignes de vue des prĂ©dateurs.

  • Un camouflage naturel : certaines espèces se fondent totalement dans le dĂ©cor.

  • Un espace de dĂ©placement Ă  l’abri du courant : essentiel pour les espèces peu mobiles.

De nombreuses espèces fréquentent ces zones pendant leur stade larvaire ou juvénile, notamment :

  • les Ă©pinoches

  • les ablettes

  • les perches

  • les tanches

  • les brochets

Perches aux abord d’un herbier


Un site de ponte privilégié : les œufs de perches et de brochets

En période de reproduction, plusieurs espèces choisissent les potamots comme support de ponte. Les tiges flexibles et stables permettent aux œufs de se fixer, à l’abri des courants et du sable.

La perche

La femelle perche pond des rubans gélatineux blancs, parfois longs de plusieurs dizaines de centimètres, en les enroulant autour des tiges ou entre les feuilles des potamots.


œufs collés sur les feuilles d’un potamot, montrant leur rôle crucial dans le cycle de reproduction.

Images d’œufs de perches zoomés

Le brochet

Ce prédateur emblématique du Léman pond également dans les zones peu profondes et herbeuses, souvent envahies de potamots. Les jeunes brochets y restent plusieurs semaines après l’éclosion.

La disparition de ces herbiers dans certaines baies a entraîné une réduction des frayères, et donc des populations.

Brochet camouflé près de branches mortes


Une zone de chasse et d’alimentation

Les potamots servent aussi d’aires de chasse pour les poissons carnivores comme le brochet. Caché dans l’herbier, il peut fondre sur une proie inattentive. En parallèle, les insectes aquatiques et larves pullulent sur les feuilles, attirant toute une chaîne alimentaire :

  • Les jeunes poissons se nourrissent de plancton, microvers et daphnies prĂ©sents dans les herbiers.

  • Les adultes viennent y chasser plus gros.

  • Les oiseaux aquatiques (grèbes, foulques, canards plongeurs) frĂ©quentent aussi ces zones riches.

 


Des herbiers qui fixent la biodiversité

Il a été prouvé que les zones à herbiers présentent une biodiversité aquatique jusqu’à 3 fois supérieure à celle des zones de fond nu. C’est aussi un lieu de repos, un territoire de chasse, une zone de reproduction… en bref, un point chaud écologique.


Une ressource menacée

Malgré leur importance, les herbiers sont fragiles :

  • Fauchage intensif dans les ports ou plages pour des raisons esthĂ©tiques ou de navigation.

  • Pollution, qui entraĂ®ne la prolifĂ©ration d’algues filamenteuses Ă©touffantes.

  • Espèces exotiques envahissantes (Ă©lodĂ©es, lagarosiphon) qui remplacent les espèces indigènes comme les potamots.

La disparition d’un herbier, même sur quelques dizaines de mètres, peut entraîner une perte directe de reproduction pour plusieurs espèces locales.


Une plongée… dans la vie

En tant que plongeur, ces herbiers sont un terrain d’observation extraordinaire. Lorsqu’on s’y glisse lentement, sans bulles, on peut voir :

  • des perches en chasse,

  • des jeunes poissons immobiles en banc,

  • des Ĺ“ufs accrochĂ©s aux feuilles,

  • et une microfaune grouillante si l’on prend le temps de regarder.

 

Escargot aquatique sur une feuille de potamot


Conclusion

Les potamots ne sont pas seulement des plantes, ce sont de véritables ingénieurs de l’écosystème.
En stabilisant les sédiments, en oxygénant l’eau et en offrant abri, nourriture et site de reproduction à d’innombrables espèces, ils jouent un rôle clé dans l’équilibre du Léman.
Sans eux, ce lac ne pourrait pas accueillir une telle diversité de poissons, d’invertébrés, de vie.

Mais ce monde fragile reste invisible Ă  la surface.
Et c’est là que le plongeur a un rôle unique à jouer.

Chaque immersion devient une opportunité :

  • d’observer en silence ce qui se trame sous les feuilles ondulantes,

  • de tĂ©moigner, par la photo ou la parole, de la beautĂ© et de la complexitĂ© de ces herbiers,

  • de protĂ©ger, par des gestes respectueux : pas de palmes dans les plantes, pas de dĂ©rangement, pas de coupes.

Nous ne sommes pas spectateurs passifs : en tant que plongeurs, nous sommes les sentinelles immergées du Léman.
Et chaque regard attentif posé sur un potamot est déjà une forme d’engagement.

 

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